« Le blanchiment criminel des ressources naturelles de la RDC sorties clandestinement du pays renforce les groupes armés, maintient l’exploitation des populations civiles, dont certaines sont réduites à l’esclavage de facto, et sape les efforts de rétablissement de la paix », a déclaré lundi 30 septembre, la cheffe de la MONUSCO, Bintou Keita. C’était devant le Conseil de sécurité réuni alors qu’elle faisait le point sur la situation en République démocratique du Congo.

Elle a prévenu que malgré des progrès, la paix n’est pas encore gagnée, citant les affrontements armés, le trafic de minerais et le fléau de la violence sexiste qui font que les civils nécessitent toujours la protection de la mission de paix des Nations unies, la MONUSCO.

Bintou Keita a demandé que des sanctions internationales soient imposées à ceux qui profitent de ce commerce criminel, sans lesquelles « la paix restera insaisissable et les civils continueront de souffrir ».

Des défis importants subsistent en RDC, où au cours des dernier
s mois, les rivalités pour l’exploitation et le commerce des ressources naturelles ont encore attisé le conflit dans l’Est du pays.

Des groupes armés contrôlent des mines

En Ituri, alors que les profits ont bondi avec l’expansion de l’extraction semi-mécanisée de l’or, les groupes armés sont devenus des entrepreneurs militarisés, a-t-elle déploré. En conséquence, conclut Mme Bintou, « les dirigeants communautaires et les forces gouvernementales épuisées luttent pour contenir les groupes armés, qui se sont renforcés à la fois militairement et financièrement ».

Au Nord-Kivu, le M23 a établi un contrôle total sur la production de coltan dans les territoires de Masisi et de Rutshuru, et le commerce dans la région de Rubaya, qui devrait fournir plus de 15% de la production mondiale de tantale, génère environ 300.000 USD par mois pour le groupe armé.

Bintou Keita a ajouté que la neutralisation des ADF au Nord-Kivu et en Ituri après le record de 272 civils tués par ce groupe armé en juin dernier, demeure une pri
orité de la mission de paix des Nations Unies.

Mais le pays est confronté à d’autres défis. Les 2,4 millions de personnes déplacées, pour beaucoup d’entre elles dans des sites surpeuplés, sont particulièrement vulnérables aux maladies. Et la RDC, qui compte la majorité des cas de mpox en Afrique, représente l’épicentre d’une épidémie qui touche déjà 15 pays du continent.

La Représentante spéciale a aussi déploré la montée des tensions politiques et l’inquiétude des partis d’opposition face aux restrictions des libertés, rappelant au gouvernement que la poursuite des réformes, le renforcement de la confiance et de la cohésion nationale constituent des antidotes aux appels à la rébellion armée.

Fléau de la violence sexuelle

Mme Bintou a aussi rappelé le fléau de la violence sexuelle et sexiste, qui touche de manière disproportionnée la RDC, et avant tout les femmes et les filles touchées par le conflit dans l’Est de la RDC.

Au cours du premier semestre de 2024, 61.000 victimes ont été prises en charge par
les organisations humanitaires, un chiffre en augmentation de 10% par rapport à 2023, ce qui équivaut à une victime toutes les quatre minutes, et promet des traumatismes durables pour le tissu social de la RDC.

Dans sa déclaration au Conseil de sécurité, Thérèse Nzale-Kove, activiste pour les droits des femmes et dirigeante du Fonds pour les femmes congolaises (FFC), a rappelé l’importance de mesures de protection des civils et en particulier des droits des femmes pendant et après le retrait de la MONUSCO, notant que sur fond de « désastre humanitaire » dans le pays, « il est clair que les femmes et les filles ne sont pas protégées ».

En témoignent les 90.000 cas de violences sexuelles rapportés l’année dernière, les viols récents de 268 détenues de la prison Makala à Kinshasa, et la précarité particulière des femmes déplacées, qui les conduit à des « rapports sexuels transactionnels » pour assurer leur survie.

Soutien aux efforts de paix de la MONUSCO

Face aux risques multiples qu’encourt la RDC, Bintou
Keita a préconisé un soutien aux efforts de paix dans les zones de conflits.

Depuis le départ de la MONUSCO de la province du Sud-Kivu, l’ONU maintient des mécanismes de protection non armée des civils, mais la cheffe de la mission rappelle la nécessité d’avoir des outils permanents de prévention, de gestion et de résolution des conflits.

La protection militaire des civils par la MONUSCO continue dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, assure-t-elle, soulignant que les Casques bleus se montrent plus agiles et robustes dans leurs interventions.

La création d’un Centre de coordination et d’opérations conjointes avec les Forces armées de la RDC (FARDC) à Bunia, en Ituri, a réduit le temps de réaction à une alerte à moins de 15 minutes, et l’intervention conjointe des deux forces il y a dix jours a mis fin à une attaque du groupe armé CODECO. « Sans l’intervention de la MONUSCO, nous aurions compté plus de cent morts », a témoigné un responsable local.

Source: Radio Okapi

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