La Chambre d’appel de la Cour de justice de l’East African community (EAC) vient d’invalider le 3e mandat de feu président Pierre Nkurunziza. Un mandat à la source de nombreuses tragédies : assassinats, disparitions forcées, exil, … Le jugement de la Cour, rendu le 25 novembre 2021, a été découvert presque une année après. Trop tard, regrettent plusieurs observateurs. C’est la réhabilitation de nombreuses victimes, tempèrent d’autres. Retour sur un jugement qui entrera dans l’histoire.

Par Fabrice Manirakiza et Alphonse Yikeze

Jeudi 15 septembre, c’était l’une des informations les plus remarquées sur la toile. La Cour de Justice de la Communauté Est Africaine a condamné en appel l’Etat burundais pour avoir violé la Constitution, l’Accord de Paix d’Arusha et les articles portant création de l’EAC en autorisant le 3e mandat de feu président Pierre Nkurunziza.

Ce qui est surprenant est que le jugement a été rendu public presque un an après. Interrogé, l’avocat Janvier Bigirimana, l’un des avocats qui ont plaidé dans cette affaire, accuse les autorités burundaises d’avoir tout fait pour dissimuler cette décision en éventuelle complicité avec l’actuel président de la même cour, Nestor Kayobera dont Me Bigirimana souligne qu’il était mandataire de l’Etat du Burundi dans le même dossier.

Contacté, Me Nestor Kayobera, se défend d’une quelconque dissimulation de la décision de la Cour dans cette affaire. « En principe, il n’appartient pas au président de la Cour de rendre public le jugement. C’est aux parties en conflit de partir à la quête de la copie du jugement »

Du côté du Gouvernement, Iwacu a contacté le ministère en charge des Affaires Etrangères qui nous a dirigés vers le ministère en charge des Affaires de l’EAC.

Jointe au téléphone, Rosette Irambona, porte-parole du ministère chargé des Affaires de l’EAC, nous a enjoints de lui envoyer nos questions via son numéro WhatsApp.. Iwacu n’a jamais eu de réponse.

Retour vers 2015

Le 25 avril 2015, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD) annonce que feu le président Pierre Nkurunziza va briguer un « 3e mandat » en juin de la même année. Cette décision fait l’effet d’une bombe. Spontanément, des manifestations sont déclenchées essentiellement dans la mairie de Bujumbura.

Le Gouvernement suspend alors les émissions en dehors de la capitale des radios comme Radio publique africaine (RPA), Radio Isanganiro et Radio Bonesha FM qui diffusaient les manifestations en direct. Des manifestants sont tués. D’autres prennent le chemin de l’exil.

Le 5 mai, la Cour constitutionnelle du Burundi juge que la décision de Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat n’est pas contraire à la constitution du pays. Mais, entretemps, des menaces ont été lancées à l’encontre du Vice-président de cette cour, Sylvère Nimpagaritse. Sa fuite est digne d’un film. Iwacu l’a bien raconté.

Un coup d’Etat est tenté. Mais, les putschistes sont vite matés. Le lendemain de cette tentative de coup d’État, les bureaux de la RPA, de Radio Bonesha, de Radio Isanganiro et de Radio-Télévision Renaissance sont incendiés. Rema FM est aussi détruit. Une centaine de journalistes fuient le pays. Des activistes de la société civile aussi. Des mandats d’arrêts internationaux sont lancés en l’encontre de 34 personnes dont des journalistes et des défenseurs des droits humains. Six mois plus tard, en novembre, le fondateur du Groupe de Presse Iwacu est lui aussi rajouté dans le lot des putschistes. Il est contraint de fuir.

Source: IWACU Burundi

By pr.web