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Lumicash/ Ecocash : des clients, agents et super agents remontés

Les deux firmes de téléphonie mobile ont fait l’annonce, il y a quelques jours. Ils ont revu les tarifs pour leurs clients, généralement en hausse et ont revu à la baisse les commissions des agents et des super agents. Une décision décriée par ces derniers et demandent une régulation.

Ecocash et Lumicash ont décidé de revoir les frais de leurs services financiers numériques. Ils ont diminué et haussé les frais selon la somme d’argent à transférer ou à retirer. Mais, pour la plupart, ils ont revu à la hausse.
« Ecocash a revu les frais applicables aux transactions de retrait et de transfert d’argent, notamment en les réduisant pour certaines bandes de valeur », peut-on lire dans le communiqué d’Ecocash du 12 janvier.

Dans le même communiqué, Ecocash espère que les agents et les super agents gagneront le même niveau de commission grâce à l’augmentation des utilisateurs de ces services, malgré la réduction de façon générale des commissions.
Il n’y a pas que les frais qui ont été impacté par ces changements. Les commissions des agents et des super agents d’Ecocash et de Lumicash ont été considérablement revus à la baisse. Les agents de ces entreprises parlent d’une diminution d’au moins 30% par rapport aux anciennes commissions.

Ces mesures sont prises au moment où les abonnés aux services financiers mobiles ne cessent d’augmenter selon les données fournies par l’Agence de Régulation et de contrôle des télécommunications (ARCT). Les services financiers mobiles constituent d’ailleurs une solution au faible taux d’inclusion financière au Burundi.

De nouveaux tarifs décriés

Que ce soient les clients, les agents et les super agents, tous se plaignent du changement des tarifs et des commissions par les compagnies de télécommunications qui offrent les services financiers numériques.
Les clients rencontrés dans différents quartiers de la ville de Bujumbura regrettent que ces compagnies ne consultent pas leurs clients avant de changer les tarifs et ne tiennent pas compte également de la cherté de la vie.
E. K. utilise les services financiers numériques depuis quelques années. Il nous relate sa tristesse : « J’ai vu un message me disant que les tarifs avaient diminué mais réellement c’est le contraire. A titre d’exemple, pour envoyer et retirer 100.000 BIF c’était 4.000BIF mais, actuellement c’est 5.000 BIF. »

Il se demande ce que font la banque centrale et l’Autorité de régulation et de contrôle des télécommunications (ARCT) pour protéger les consommateurs : « Normalement la BRB et l’ARCT devrait être des régulateurs pour éviter toute spéculation. S’ils ont failli à leur mission, que le ministre de tutelle intervienne.»

Même son de cloche pour les agents et les super agents qui avaient reçu un message leur informant que les commissions allaient être revues. Ils indiquent qu’ils espéraient voir une hausse de ces dernières, compte tenu que les frais d’envoi et de retrait avaient augmenté pour les clients.

C. D., jeune diplômée en économie, assure qu’elle était au chômage depuis 3 ans avant de décrocher un petit capital et se lancer dans les services financiers mobiles comme agent.
Elle s’inquiète qu’avec la diminution des commissions, elle peut se retrouver de nouveau au chômage : « Les commissions ont sensiblement diminué, pourtant on espérait une augmentation avec le message qu’on avait eu en date du 31 décembre 2021. Avec cette diminution, je crains que le gain que je reçois ne pourra pas couvrir mes besoins.»
D. N., un autre agent, demande au gouvernement d’obliger les compagnies de téléphonie mobile de garder les anciens tarifs et commissions pour réduire le chômage.

« La plupart des agents sont des jeunes bacheliers qui n’ont pas pu trouver de l’emploi et qui se sont organisés pour ne pas être des fardeaux pour les familles et le pays », précise-t-il.
K. G., un des super agents, estime que les sociétés de téléphonie mobile devraient consulter les partenaires avant tout changement des tarifs et des commissions. Il indique que ce travail avait contribué à la réduction du chômage et demande au gouvernement d’intervenir en tant que régulateur.

Plusieurs agents boycottent cette activité

Avec la revue à la baisse de leurs commissions, plusieurs agents des services financiers mobiles avaient décidé de boycotter cette activité depuis mardi 11 janvier. La plus grande partie des agents rencontrés au centre-ville de Bujumbura vendait les unités de recharge mais ne donnaient pas les services Ecocash et Lumicash. « Nous avons décidé de boycotter ces services pour que ces compagnies de téléphonie mobiles puissent écouter nos doléances. Avec cette baisse, nous risquons de travailler à perte», ont-ils expliqué
Certains pourtant ont continué à vaquer à leurs activités pour diverses raisons.
J.N. a opté pour continuer : « Je comprends mes collègues qui ont décidé d’arrêter. C’est vraiment déplorable comme perte. Mais si je boycotte, je ne vais rien avoir à la fin de la journée et mes enfants n’auront rien à se mettre sous la dent. Chacun a ses raisons, j’espère qu’ils vont aussi me comprendre.»

D’autres par contre ont décidé de vider leur stock de monnaies électroniques pour se lancer dans d’autres activités.
Des agents et des super agents de ces services rencontrés affirment s’être rendus aux bureaux de Lumitel et Econet Leo pour avoir leur capital et rendre les sommes électroniques qu’ils avaient. « Nous avons voulu arrêter mais chez Lumitel on nous disait qu’il n’y avait pas de liquidité, on pouvait nous donner 50 mille BIF. Chez EconetLeo, on ne nous donne que 200 mille comme liquidité. On est contraint de vider nos stocks en monnaies électroniques».

Une mesure qui met à mal l’inclusion financière

Selon Dieudonné Gahungu, professeur à l’Université du Burundi dans la faculté des sciences économiques et de gestion (FSEG), les Burundais avaient jusqu’à présent un engouement pour utiliser les services financiers numériques, ce qui allait booster l’inclusion financière.

Pour lui, la récente mesure de changer les tarifs d’envoi et de retrait d’argent et la diminution des commissions pour les agents et les super agents peut produire un effet négatif : « Si rien n’est fait, l’inclusion financière peut stagner.»
Cet économiste souligne que ces services contribuent à la réduction du chômage surtout chez les jeunes, la facilitation des échanges commerciaux et le paiement des taxes. « Le rôle du régulateur doit être primordial pour la protection des consommateurs ».

Il propose à la BRB et à l’ARCT d’engager des discussions avec toutes les parties prenantes pour trouver des solutions durables. « En cas de besoin, le gouvernement peut revoir à la baisse les obligations fiscales pour booster davantage l’inclusion financière ».

Contacté, la responsable du service Lumicash au sein de l’entreprise Viettel nous a demandé d’adresser une lettre au directeur général de la société pour avoir des précisions.

La BRB avait convoqué une réunion des agents et des super agents, le jeudi 13 janvier. Elle s’est tenue à huis clos. Plusieurs agents, super agents et journalistes qui voulaient y assistaient n’ont pas reçu l’autorisation. Ce n’est que 20 agents et 20 super agents qui ont pu y participer.


Source: IWACU Burundi