Externalisation des ressources humaines des sociétés : l’employé, faire-valoir pour autant ?

De plus en plus mises en cause pour exploitation du personnel recruté, les sociétés spécialisées dans la gestion externe des ressources humaines sont traitées de tous les maux. Le partenariat Bancobu -Infinity Group étant l’exemple le plus emblématique. Iwacu a cherché à savoir comment travaillent ces sociétés. Un constat : un jeu de cartes où l’employé n’est qu’un « simple faire-valoir ».

Pratique de management très en vogue actuellement en raison des avantages qu’elle confère aux sociétés qui y font recours, l’externalisation des ressources humaines revient pour une entreprise à confier à un prestataire externe la réalisation de certaines activités initialement effectuées à l’interne.

Au Burundi, une pratique qui prend de l’essor. Et au fil du temps, c’est le cahier de charges de ces entreprises spécialisées dans l’externalisation des ressources humaines qui ne cesse de se diversifier.

Il y a la sélection et le recrutement du personnel. Dorénavant, certaines sociétés font le placement (elles embauchent). Un secteur où l’appât du gain prime sur tout, accusent certains observateurs. Il semblerait que ces certaines sociétés n’hésitent pas trop tirer la couverture sur elles, oubliant qu’elles n’existent que parce qu’il y a cet intermédiaire : « l’employé ».

A.G, est parmi ces « faire-valoir ». Dans sa 3ème année comme caissier à la Bancobu, ce trentenaire évoque un univers sans pitié. « Soit tu prends, soit tu laisses ». Avec le chômage galopant, il indique que peu importe les termes du contrat, souvent on est contraint d’accepter.

Recruté par le biais de la société Infinity Group, dans un premier temps, il fait savoir qu’il a signé un contrat de 3 mois. « Les termes du contrat stipulaient qu’il pouvait être prolongé. Quelques jours avant la fin dudit contrat, Infinity Group m’a informé qu’une prolongation de 6 mois venait de m’être accordée ». Un ouf de soulagement, confesse-t-il parce que dans cet intervalle un de ses collègues avait vu son contrat interrompu sans motif valable.

Son dernier contrant ayant expiré, il y a deux ans, il affirme travailler la peur au ventre. « Certes, je continue à percevoir mon salaire. Mais, officiellement, sans notification de la part de mon employeur me précisant les termes de mon statut actuel, je ne sais pas quand prendra fin mon travail. »

Une situation frustrante d’autant que les employés recrutés à travers ce processus, ne peuvent même pas contracter un simple découvert bancaire. Et sans parler du crédit. De quoi se demander l’avantage de travailler pour une banque.

Survivre, oui ! Mais, à quel prix ?

Même cas de figure pour D.F, une de ces collègues basées à l’intérieur du pays. Après un stage professionnel octroyé par Infinity Group au sein de la Bancobu, la jeune dame est directement embauchée. A la clé, un contrat d’un mois pour remplacer un de ses collègues partis en congé.

Par après, elle sera mutée dans différentes agences. Tout en engrangeant de l’expérience, glisse-t-elle. La jeune femme avait le ferme espoir de dégoter un jour un contrat en bonne et due forme. « Bientôt deux ans à trimer comme une folle, j’estimais que j’avais ma place dans ma boîte. Mais, il a fallu d’une petite revendication sur la réorganisation de l’horaire de travail pour que l’on me suspende », témoigne-t-elle. Un épisode qui l’a traumatisé. Après, elle sera rappelée. Mais depuis cet incident, confie-t-elle, au moindre message électronique qui tombe dans ma boîte mail, je crains une lettre de licenciement.

Pour ces employés, loin d’eux l’idée d’une augmentation salariale ou avancement de grades. Plus que tout, ces personnes déplorent les termes du contrat. Entre autres : licenciement sans préavis ni indemnités. « Imaginez, vous pouvez être renvoyé comme un va-nu-pieds après avoir presté plus de deux ans ». Malgré ces griefs, ils soutiennent qu’Infinity Group s’acquitte de ses responsabilités, notamment en payant les cotisations sociales à l’Inss, les soins de santé, paie leurs impôts sur le revenu (IPR)

Cerise sur le gâteau, d’après certaines sources, depuis peu, la Bancobu en cas d’octroi des primes de bilan ou de gratification, elle les traite comme ces employés. Contactée pour savoir si cette externalisation des ressources humaines n’impacte pas négativement sur le rendement de la Banque, la Bancobu a promis de s’exprimer ultérieurement.

Travailler la peur au ventre avec ce risque d’être licencié à tout moment, ce n’est pas seulement le lot des employés recrutés par Infinity Group. Ils sont des centaines, voire des milliers d’employés embauchés par le biais d’entreprises spécialisées dans l’externalisation des ressources humaines à l’instar de Kazi Intérim , NFT , Rainbow , Intercontact Services, etc. à vivre cette situation. Mais faute de mieux, ils témoignent qu’ils sont contraints de s’accrocher.

« Au moins, on reste avec ce mince espoir des lendemains qui chantent ». Et pour s’attacher les services des entreprises désireuses d’une main- d’œuvre, les employés contactés soutiennent que leurs employeurs rivalisent d’invention. « Tantôt, les responsables vous promettent des crédits, tantôt des avantages dans la couverture des soins », révèle J.B, un chauffeur travaillant à la Brarudi. Mais, dans la plupart des cas, des promesses en l’air. « Rares sont ceux qui joignent les paroles aux actes. Parce que chaque fois, ils considèrent que ce sont d’autres coûts. Une fausse idée, parce que cela contribue à l’épanouissement de l’employé. Partant de son investissement au travail ». Quant aux principaux griefs à l’encontre de leurs employeurs, ce sont entre autres : impossibilité de prendre des congés, des salaires déclarés loin d’être conformes à ceux qui se trouvent sur les fiches de paie, les horaires de travail peu adaptés, absence de contrats, etc.

Des contrats contraires au nouveau Code du travail

A en croire Bienvenue Niyongabo, avocat spécialisé dans le droit travail, un secteur de travail qui ne devrait pas être « une jungle ».

Avec le nouveau Code du travail de 2020, il explique que dorénavant, ce genre de travail intérimaire est bien réglementé. « En son article 58 et suivants, une section intitulée « Du contrat de travail temporaire conclu avec une entreprise de travail temporaire » détaille noir sur blanc comment doivent être les rapports des employés avec l’employeur ». Or, poursuit-t-il, partant de la nature du contrat que ces sociétés spécialisées dans la gestion des ressources octroient à leurs employés, dans la plupart des cas, ce sont des contrats à durée déterminée.

Pour le juriste, une entorse à la loi. « Rien qu’en se basant sur l’article 59 dudit Code , il est stipulé que le travailleur temporaire est le travailleur engagé pour une période de courte durée et pour l’exécution d’un travail qui n’exige pas le recours à une main-d’œuvre permanente ». A cet instant, poursuit l’article : « Le travailleur temporaire signe un contrat à durée déterminée. Le contrat de travail temporaire est conclu par écrit entre l’entrepreneur de travail temporaire et le travailleur mis à la disposition de l’utilisateur. L’entreprise de travail temporaire est réputée employeur. Plus, l’entreprise est investie des droits et est débitrice des obligations attachées à cette qualité ».

Le contraire de la situation de certains des employés ayant des contrats avec ces sociétés. Prenant l’exemple, du caissier, dont le travail est par nature permanent pour les banques. M. Niyongabo comprend mal comment un employé reste régi par un contrat à durée déterminée alors qu’il abat un travail permanent. Il explique : « Les responsables de ces sociétés qu’ils soient bien avisés. Dans le nouveau Code du travail. Lorsqu’un contrat de travail est renouvelé deux fois, il devient automatiquement un contrat à durée indéterminée ». Parmi les conséquences directes de cette insécurité professionnelle, le juriste évoque le manque d’investissement au travail. « Souvent ces employés ne sont pas concentrés. Et si c’est quelqu’un de très mal intentionné, il n’hésite pas à induire ses collègues en erreur ou à commettre un vol ». Bien que la signature du contrat requière préalablement l’adhésion de toutes les parties, l’avocat conseille à ces sociétés de ne pas profiter de «la vulnérabilité » des gens à cause du chômage.

Source: IWACU Burundi

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